Publié le 19/07/2022 | Télécharger la version pdf |

L'innovation permanente en ACS et le lien aux animaux
Ce mois-ci, l’instant technique met en avant la ferme de Cédric et Flavie en Vendée. Eleveurs de bovins et de volailles, le couple travaille à répondre à ses objectifs de production en mettant en place un système ACS performant et autonome. |
Curieux de toute innovation, Cédric nous montre son cheminement et ses principaux résultats techniques.
Dans la 2ème partie, nous faisons un premier bilan de la campagne des cultures d’hiver en système ACS : les bases techniques montrent à nouveau toute leur pertinence !
Je me suis installé en 2015 après avoir été commercial chez Kuhn donc je connaissais bien le matériel dont les semoirs SD. Ça m’avait permis de rencontrer déjà des agriculteurs en ACS. A mon installation (reprise de la ferme familiale), le système était traditionnel de l’Ouest : bovins viande naisseur – engraisseur avec du RGI – maïs et soja. C’est un système qui a une bonne productivité avec des sols qui restent en bon état structural grâce aux apports réguliers de fumier.
Cependant, il est très dépendant des achats extérieurs et ça ne me convient pas. Je voulais satisfaire 2 objectifs :
1) Le premier est que mes sols sont très séchants donc il faut conserver voire augmenter la réserve utile (pour ce faire, augmenter la matière organique et arrêter de travailler les sols). Je dois également favoriser les cultures d’hiver et valoriser au maximum les couverts semés dans les 3 jours après moissons ;
2) Et le 2ème est d’être plus autonome dans l’alimentation de mon cheptel. Cet objectif remet tout le système en cause avec l’arrivée de la luzerne et du trèfle violet, ce dernier étant plus adapté à mon secteur.
L’ACS est le système qui répond le mieux à mes objectifs et je suis donc passé directement du labour à l’ACS. A mon avis, il ne faut pas hésiter dans ce changement car la phase TCS ne résout aucun problème voire en ajoute de nouveaux sur la gestion du désherbage par exemple.
Aujourd’hui, nous sommes 1,5 UTH avec mon épouse salariée à mi-temps. La SAU est de 94 Ha (65 Ha de prairie dont 35 en PN– 7 en luzerne, 7 en TV, 10 en orge et 5 en maïs). Les sols sont du limon sur schiste donc battants et très filtrants. A part 12 Ha sur des coteaux à 3km, le reste est autour de la ferme ce qui est un vrai point positif pour le pâturage tournant dynamique.
Nous avons un semoir Sly 6 m en CUMA (qui sème environ 450 Ha par an) et, pour les cultures de printemps, un Strip Till et un Maxemerge. Cela nous permet de mettre 80 à 100 kg de vinasse de betterave avec le ST et du starter avec le semoir.
Pour le cheptel, nous élevons 65 vaches charolaises et limousines. Tous les animaux qui naissent sur la ferme sont engraissés ici. 18 femelles sont gardées pour le renouvellement et le reste est vendu dont une partie en vente directe. Nous avons également 2 poulaillers de 400 m² chacun en volailles labels.
La gestion des cultures
Dans le choix de mon assolement, il faut savoir que toute la production sert aux animaux. Cependant, je n’arrive pas à être autonome en paille avec le chargement actuel (1,4 UGB / Ha). Je pense qu’il faut que je baisse à 1,2 UGB ce qui me permettra en plus de vendre du grain donc de gagner un peu de trésorerie.
Voici l'ensemble des espèces semées par Cédric: le 3ème pilier de l'ACS est respecté ! |
Sans irrigation, je me pose aussi la question du maïs dans ma rotation. Il est intéressant car il permet d’avoir un produit de qualité. Le rendement est assez aléatoire mais le méteil récolté avant a un rendement quasi constant : le maïs devient la culture dérobée qui a également l’intérêt de pouvoir être désherbé de façon efficace avec les produits homologués aujourd’hui. |
La génétique pour l’ACS n’est pas encore optimale même si des progrès sont sensibles. L’un de mes problèmes est qu’on ne trouve pas de semence non traitée (sauf en bio mais donc très cher) : moi qui veux éviter au maximum les insecticides, c’est une difficulté. Avec des désherbants efficaces et un rendement qui peut ne pas être génial mais correct quand même sur l’année avec le méteil précédent, c’est une plante qui reste encore intéressante même économiquement.
Concernant le désherbage, je reste persuadé que la baisse de l’utilisation des désherbants est une erreur technique en début d’ACS : on prend trop de risque qui peut, à terme, coûter très cher. Le ray-grass est la plante qui me pose le plus de difficulté car souvent difficile à détruire. La gestion de cette adventice doit être pleinement intégrée dans la réflexion de la rotation sous peine de se laisser envahir rapidement, même en système prairial. En règle générale, dans mes fourrages je mélange les espèces mais en ne mettant soit que des graminées soit que des dicotylédones, ce qui me permet d’utiliser de façon efficace les désherbants.
La gestion des fourrages
Aussitôt moissonné et la paille pressée, le semis d'un méteil d'été est réalisé |
La chance de l’élevage est qu’il n’y a jamais une culture ratée car on peut toujours valoriser une production auprès des animaux. Il existe encore beaucoup d’innovations à réaliser en mélange d’espèces. Dans ma réflexion actuelle, il me semble que le trèfle violet est la plante de demain dans mon secteur : en enrubannage, associé avec de l’orge aplati (céréale ayant plus d’amidon et moins acidogène), on a une bonne ration de base. Le maïs n’est pas adapté à un ruminant donc je préfère le diminuer (avec les caractéristiques évoquées au paragraphe précédent). Depuis que j’ai évolué dans les rations, j’observe beaucoup moins de maladies et de parasites sur mes animaux et les vêlages sont beaucoup plus faciles : la facture du vétérinaire en est un très bon indicateur ! Et idem pour la facture des minéraux qui est quasiment à 0. |
Dans une parcelle en mélange luzerne - trèfle violet (10 %) ou trèfle violet pur, je sème du méteil pour ensiler à 180 kg / ha avec 80 kg de triticale, 40 kg d’avoine, 40 kg de féverole, 35 kg de pois Arktas, 17 kg de vesce d’hiver (Gravesa), 4 kg de vesce velue (Villana) et 2 kg de trèfle incarnat. Cette forte densité est nécessaire car je suis en sursemis dans des plantes vivantes. Je sème dès fin septembre (soit environ 2 semaines avant le blé) car plus tard je perds trop de rendement et je préfère avoir des plantes développées avant l’hiver. La récolte est réalisée de 2 façons :
- La parcelle où le méteil est le moins bien réussi : récolte début avril en enrubannage dès que le sol est bien ressuyé pour ne pas risquer de tassement : A 45 % de MS et 18 de MAT, la valeur est très bonne et ça permet de nettoyer la parcelle. La 2ème récolte est faite en enrubannage, mi-mai, cette récolte d'environ 3 à 4 T MS est également très riche, environ 18 MAT, ces 2 récoltes font mon fourrage de base pour les animaux en engraissement.
- Les parcelles où le méteil est mieux réussi, la récolte en enrubannage a lieu mi-mai et le fourrage est plus riche avec 60 – 65 % de MS et 10 à 12 % de MAT. Ce fourrage, sert à nourrir les vaches en reproduction l'hiver.
- Il y a une récolte fin juillet, sur les 2 parcelles, en foin, lorsque les végétaux sont bien mûrs. Cela sert à faire un fourrage riche en minéraux qui ralenti le transit intestinal. J'en distribue 800g aux animaux en engraissement.
D’autre part, les prairies (mélange de fétuque + 2 RGA tetra + diploïde + un peu de trèfle hybride et du Trèfle blanc) sont semées en même temps que le méteil début octobre. Dans ce cas, le méteil est semé moins dense car toutes les plantes partent en même temps, contrairement au semis dans la luzerne et TV où il faut qu’il y ait plus de densité pour concurrencer.
La gestion du pâturage
Je pratique le pâturage tournant dynamique pour les vaches. L’idéal est de laisser les vaches 1 journée par paddock car c’est l’optimum pour la vache et l’herbe ; mais l’optimum pour l’éleveur est plutôt 2 jours par rapport au temps de travail ! Donc je tourne tous les 1 à 2 jours, jamais plus de temps. Je reviens sur les parcelles tous les 21 jours car l’herbe met 11 jours pour faire 1 feuille puis 6 jours pour la 2ème et 4 jours pour la 3ème puis il y a remobilisation de la 1ère feuille pour fabriquer la 4ème feuille ce qui n'est pas intéressant. Avec ce système, même les chardons sont mangés ! Et les fèces sont bien répartis.
La gestion se fait en fil avant fil arrière (parcelle rectangulaire) et la taille de la parcelle est variable en fonction du nombre d’animaux et de la pousse d’herbe.
Une parcelle de foin sur pieds où les animaux vont pâturer une seule journée |
Pour gérer l’excès de pousse du printemps, soit je fauche soit je laisse pousser l’herbe et ça fait du foin sur pieds où je mets les animaux l’été. Je les laisse maximum une journée pour éviter l’excès d’excréments. L’abreuvement est organisé par un réseau de 8km de tuyau, qui permet d'avoir des arrivées d’eau dans tous les champs |
Ce système est sûrement le top pour la santé des animaux car on est toujours à l’optimum du stade des végétaux et les besoins des animaux sont bien comblés. Et en plus c’est très économique !
La gestion du troupeau
Je pratique plutôt les vêlages fin août car les couverts d’été sont riches et la nourriture est bonne jusque l’automne. Le seul problème est la portance quand la pluie arrive tôt. Dans ce cas, il faut pouvoir déplacer les animaux très rapidement ou les rentrer en stabulation lors de fortes pluies. Je limite les vêlages de printemps car l’herbe est grillée en été quand les besoins des animaux sont encore élevés : ça me coûte donc plus cher en apport extérieur pour compléter.
Quant à l’engraissement tout se fait en extérieur. Je laisse les animaux sur une parcelle durant 8 à 10 jours en alimentant au champ. Il faut juste un peu plus de temps pour aller dans le champ avec la désileuse : c’est plus long que dans un bâtiment mais je n’ai pas besoin de pailler et pas de fumier à gérer : ça en fait un système économe !
Les auges sont indispensables pour éviter le gaspillage |
J’ai juste dû investir dans des auges pour limiter les pertes au champ. Les animaux sont bien dehors car il y a plus d’air que dans un bâtiment et les très bons GMQ sont le signe visible de ce bon état de santé. Je veille juste à ce qu’ils aient toujours de l’eau fraiche en quantité et un grattoir car ils aiment ça. |
Le projet « Cultivons mellifères »
Je me suis inscrit dans ce projet car on a beaucoup à gagner à travailler avec les apiculteurs. Après la moisson de l’orge, je sème dans les 3 jours mes méteils d’été dans lesquels j’inclue systématiquement des plantes qui vont fleurir. Une apicultrice laisse 7 ruches à l’année dans une de mes parcelles. Entre les haies bocagères, les cultures, la luzerne, le trèfle et les couverts, l’alimentation est variée et répartie régulièrement sur l’année. Cette année, elle a divisé les ruches les plus populeuses et il y a eu en plus un essaimage : ceci montre que les abeilles sont en pleine forme. Malgré ces nouvelles ruches, la récolte du printemps et du début d’été est d’environ 15 kg ce qui est satisfaisant, d’autant plus qu’à aucun moment l’apicultrice doit nourrir ses colonies.
Les 7 ruches sont dans une parcelle juste semée en couvert d'été, futur garde-manger ! |
Bilan de campagne cultures d’hiver
Alors que dans certaines régions les moissons sont terminées et les couverts semés, il est intéressant de faire un premier bilan de cette campagne pour les cultures d’hiver dans le réseau APAD.
Evidemment, le premier constat est la précocité des récoltes : certains du sud Vendée et Charente avaient terminés à la mi-juin ! Du jamais vu. Même si ce n’est pas aussi précoce partout, globalement les moissons ont environ 2 semaines d’avance. Et cela n’a pas été sans conséquence sur les rendements. Ici, ne sont mises que des moyennes : certaines parcelles profondes avec bonne réserve utile font d’excellents rendements.
En blé, les rendements sont très aléatoires puisque dans certaines parcelles hétérogènes, les rendements passent de 25 à 80 quintaux en quelques mètres suivant la profondeur de terre. C’est la culture qui a été sûrement le plus impacté par la sécheresse. L’irrigation, à condition d’avoir été apportée assez tôt a pu limiter les dégâts : souvent, un tour d’eau permet de gagner 10 quintaux ; le 2ème permettant d’augmenter à nouveau de 10 qtx. Cette constatation (qui est une moyenne !) montre bien que la principale limite a été le manque d’eau. En ajoutant l’excès de température et le vent de la fin mai qui a amplifié le phénomène. Quant aux couverts permanents, certains ont eu du mal à les contrôler les faisant entrer directement en concurrence avec la céréale. Les décrochages sont fréquents même si, du coup, ce couvert est très beau dès la moisson : maigre consolation ! De même, en, blé sur blé, les résultats sont souvent médiocres à cause du développement du piétin échaudage.
On retrouve également des rendements faibles en protéagineux (pois, féverole) dans les secteurs où les premières fleurs ont gelé début avril et où les températures excessives de mai ont fait couler les gousses.
En blé dur, les résultats sont souvent décevants, autour de 35 qtx.
L’orge est plus homogène avec des rendements autour de 50 qtx.
Le colza est la seule plante qui arrive à sortir des rendements moyens avec environ 30 quintaux.; avec les prix est élevés, la marge est quasiment la meilleure de toutes les cultures d’automne.
Par contre, au niveau de la paille, les rendements sont exceptionnels avec souvent plus de 5,5 à 7 tonnes / Ha.
En règle générale, avec le peu d’humidité, la pression maladie a été faible mais un fongicide à 70 – 80 % de la dose homologuée à dernière feuille étalée a été bien valorisée. L’utilisation des vitamines C et autres TCO doivent encore être améliorée car il y a eu plusieurs déceptions.
Evidemment, cette déception dans les rendements est encore accentuée par la grêle qui est tombée en certains endroits… Décidément, une année compliquée au niveau météo !
Perspectives
Ces perspectives sont des idées ou des remarques issues des remontées d’agriculteurs. Elles sont donc à adapter au secteur de chacun. Cependant, globalement, on voit que les bases techniques de l’ACS restent valables et gardent toutes leur pertinence !
En terre séchante, certains veulent essayer de baisser un peu la densité de semis pour diminuer la concurrence à l’eau. Ce serait une pratique plus économe avec également moins d’azote (20 à 30 unités de moins) sauf si la pluie est au rendez-vous.
Beaucoup d’adhérents implantent des mélanges variétaux en blé. A force de ressemer sa propre production, il semble que le décrochage soit plus fort qu’ailleurs. La pratique de remettre environ 20 % de nouvelle variété chaque année dans le mélange montre tout son intérêt.
Les semis trop tardifs (après le 15 novembre) sont souvent pénalisés surtout en année avec un hiver peu poussant et où le sec est présent rapidement. Là aussi, les bases de l'ACS se confirment avec la préconisation de semis plutôt précoce (première quinzaine d’octobre dans la plupart des régions). A l’inverse les semis trop précoces, en particulier en colza et blé, ont pu en partie geler avec les gels tardifs qui semblent devenir plus fréquents qu’auparavant.
Nous n’avons pas encore les résultats officiels d’Arvalis qui a mené des essais sur la fertilisation azotée en système ACS mais le constat est le même partout : les apports précoces sont systématiquement ceux qui sont le mieux valorisés par les plantes car le risque de sécheresse plus tard en saison peut entrainer des déficits d’alimentation. D’autres résultats plus précis viendront dans un prochain instant technique.
Enfin, il faut encore insister sur la qualité du semis bien évidemment prépondérante dans la réussite : vérifier le taux de germination, parcelles exempte d’adventices au semis, sol ressuyé, vérification des bons réglages du semoir sont toujours des principes de base ! Et évidemment le roulage systématique après semis (sauf condition particulière d’humidité !). Comme on le répète souvent : aucun détail ne doit être oublié !
Prochain numéro à la mi-septembre. Bon été à tous !
Article écrit par le comité technique de l’APAD.
Si vous souhaitez réagir ou poser des questions sur cet article, envoyer un mail à :
comite.technique.apad@gmail.com