Publié le 25/10/2024 Télécharger la version pdf


Après 45 numéros de l'instant technique, le comité technique de l'APAD souhaite avoir votre avis sur son contenu et les sujets à traiter.
Ce questionnaire vous prendra à peine 5 mn: merci de prendre le temps d'y répondre pour toujours mieux répondre à vos attentes !

 

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La gestion du gros gibier en Agriculture de Conservation des Sols

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Compagnie de sangliers dans un champ de maïs (photo APAD)

Depuis quelques années et avec une augmentation régulière des remontées de dégâts, les gros gibiers sont sources de problèmes en agriculture. La pression dans les parcelles est souvent forte et on peut se demander si les parcelles cultivées en ACS sont plus exposées que les autres. En effet, la couverture permanente des sols et la richesse en biologie des sols, vers de terre notamment, en feraient des cibles de choix. Cet Instant technique vous propose de faire le point grâce, comme à notre habitude, aux témoignages de plusieurs agriculteurs et de personnes travaillant en contact avec la faune sauvage.


1) Biologie, dégâts et population


Tout d’abord, voici quelques informations importantes à connaître sur le gibier de nos régions.

Sanglier

(Sus scrofa)

Chevreuil

(Capreolus capreolus)

Cerf élaphe

(Cervus elaphus)

Régime

Omnivore opportuniste. Il doit consommer des végétaux (graines, racines, tubercules, fruits) mais aussi des petits animaux et des insectes.

Herbivore sélectif. Il mange principalement des bourgeons, jeunes pousses, feuillages et fruits

Herbivore. Il se nourrit d'herbes, de jeunes arbres, d’écorces, de fruits, et parfois de cultures agricoles comme le maïs

Cultures privilégiées

Maïs, blé pois, colza se cache aussi dans les féveroles et le les tournesols

Colza, Blé et jeunes plantations forestières

Maïs, arbustes

Impact agricole

Retournement de sols (parfois toute la parcelle) et consommation de graines et d’épis. Dégâts également en couchant au sol (bauges, chaudrons, …) les végétaux

Grignotage des cultures, couchettes et pelage des écorces des jeunes arbres

Dégâts sur les plantations forestières et agricoles, en écorçant les arbres et en se nourrissant dans les champs (maïs surtout) + dégâts par les passages dans les cultures.

Nombre

Estimé entre 1,5 et 2,5 millions

1,5 million

150 000

Évolution

Forte augmentation : Hivers doux, abondance de nourriture, sole de maïs en hausse, moindre chasse, reboisement, parcelles entourées de bois, friches, hausse du nombre de portées par an.

Augmentation régulière : mosaïques d’habitats mêlant forêts, clairières, prairies et champs cultivés

Augmentation limitée grâce aux efforts de gestion et de régulation par les chasseurs et les autorités forestières

Répartition géographique

Partout en France

Partout en France

Grands et denses massifs forestiers – massifs montagneux

Raison de l’augmentation

Prolificité en hausse

Forte adaptabilité aux paysages

Protection et réintroduction dans certaines régions : reforestation, diminution des prédateurs (loups, lynx)

Seuil de fort impact

Taille de la compagnie.

Politique de la fédération départementale de chasse

30 à 50 individus par 100 hectares

Dans certains secteurs, taille importante de la harde. Autrement, rare car besoin de grands espaces et gestion mieux maîtrisée grâce à des plans de chasse spécifiques, avec des quotas strictement fixés par département

2) Les principaux outils de régulation

 
Pour limiter l’impact de ces espèces, plusieurs outils de régulation sont utilisés :

  • La chasse :

    • C’est l’outil principal de régulation. Les chasseurs jouent un rôle crucial dans la gestion des populations de gibier. Chaque année, des quotas sont fixés par les préfectures et les fédérations départementales des chasseurs pour réguler les populations.
    • Pour le sanglier, des "battues administratives" sont parfois organisées pour réduire leur nombre dans des zones particulièrement touchées.
    • Pour le sanglier une battue soutenue permet le plus souvent de ne pas avoir de sanglier les 15 jours suivants.

  • Le piégeage

    • Le piégeage du sanglier est possible dans beaucoup de départements. Il faut être chasseur, piégeur, avoir suivi le module piégeage du sanglier, avoir un permis de chasse en cours de validité et avoir l’accord de la préfecture (la FDC a un droit de veto sur cet accord). Le piégeage du filet est un piège non limitant en termes de nombre de capture.

  • Demande d’intervention d’un lieutenant de louveterie

    • Demande à faire au préfet pour des tirs de nuits en cas de fortes attaques.

  • Les clôtures et protections des cultures :

    • Pour protéger une culture contre un bioagresseur, l’agriculteur peut mettre en place une barrière physique (non soumise à autorisation).
    • Les médiateurs chimiques et substances naturelles, plutôt répulsifs, doivent être homologués en tant que produits phytopharmaceutiques ou autorisés en tant que substance de base pour pouvoir être utilisés dans le cadre de la protection des cultures. A ce jour, il existe des produits mis en marché en tant que biocide, mais aucun produit ne dispose d’une homologation ou d’une autorisation pour la protection des cultures contre les dégâts de sangliers.
    • Certains agriculteurs essaient des pratiques alternatives pour éloigner les sangliers : cheveux en bordure de parcelle, passage d’un tissu imbibé de parfum pour laisser une odeur humaine, canons à corbeau, dispersion de poils de chien, épandage de bouchons de lisier de porc … Toutes ces techniques ne font souvent que repousser le problème chez les voisins et leur durée de potentiel fonctionnement est court.
    • Les agriculteurs et les forestiers utilisent des clôtures pour protéger les cultures des intrusions de gibier, mais ces mesures sont coûteuses. De plus, il est très compliqué de garder les clôtures efficaces en bordure de forêt et sur des surfaces importantes (déperdition de courant avec la végétation). Elles demandent systématiquement un entretien et une surveillance très réguliers.

Quelle que soit la méthode de lutte choisie, le niveau d’efficacité est assez proche : les attaques de sangliers diminuent dans seulement un cas sur trois, et ces techniques font autant d’utilisateurs satisfaits que d’insatisfaits.

  • Les indemnisations :

    • En cas de dégâts agricoles, les chasseurs sont responsables de dédommager les agriculteurs, financés par un fond alimenté par les redevances des permis de chasse et l’Etat. Les demandes d’indemnisation étant en forte hausse et les chasseurs moins nombreux, ce procédé est fragilisé. Il est réalisé par des estimateurs missionnés par la Fédération Départementale de Chasse.
    • Les indemnisations de la FDC ne prennent en compte que les dégâts aux cultures. Les dégâts aux sols ne sont pas indemnisés sauf prairie, arboriculture, vignoble.
    • En cas de graves difficultés, ne pas hésiter à faire intervenir son assurance pour être assisté et pouvoir réaliser une expertise contradictoire, au besoin avec des intervenants (drone, huissier, …)
    • Dans tous les cas, évaluer à l’avance la durée que prendra le processus pour ne pas bloquer la récolte. Chaque étape donne droit à un nombre de jours ouvrés pour être réalisée.

3) Estimation des dégâts et leur coût

  • Dégâts agricoles :

    • Le maïs est la principale culture concernée par les dégâts de sangliers, quelle que soit la production (grain, fourrage, semence, maïs doux, CIVE ou popcorn). Les dégâts sont occasionnés au cours de deux périodes distinctes dans des proportions comparables : entre le semis et la levée (voire au cours de la levée), puis entre la floraison et le stade maturité fourrage ou grain.
    • En 2023, les fédérations de chasse ont déboursé environ 100 millions d’euros pour indemniser les dégâts agricoles provoqués par le gibier (principalement les sangliers).
    •  Les indemnités versées aux agriculteurs ont été multipliées par 10 en 45 ans avec un prélèvement de sangliers multiplié par 20 (sur la saison 2022-2023, environ 800 000 sangliers ont été abattus en France). 
    • Le sanglier est le principal responsable des dégâts, avec des ravages importants dans les champs de maïs, de blé et de colza.
    • Le chevreuil et le cerf, bien que moins destructeurs, causent également des pertes dans certaines cultures et plantations forestières.

Harde dans une parcelle agricole - Photo : P. Flaman

  • Accidents de la route :

    • Environ 30 000 collisions par an impliquent des animaux sauvages (majoritairement des sangliers, chevreuils et cerfs).
    • Le coût des accidents de la route impliquant du gibier est estimé à plusieurs centaines de millions d’euros, en raison des dommages matériels, médicaux et parfois mortels.
    • Les dégâts matériels subis par le véhicule peuvent être indemnisés par les assurances auto, à condition d’avoir souscrit la garantie dégâts matériels ou la garantie tous accidents. Dans la majorité des cas, ces accidents ne sont pas pris en charge par les assurances.
    • Pour les dommages corporels voire le décès du conducteur, il faut avoir souscrit une assurance qui couvre les préjudices corporels (garantie dommage conducteur ou individuelle accidents).
    • Pour les dommages corporels des passagers, ils sont pris en charge par l’assurance auto obligatoire, même l’assurance au tiers, car la garantie responsabilité civile couvre ce risque.

4) Nombre de chasseurs en France


Il y a environ 1 million de chasseurs actifs en France. Ce nombre est en régulière diminution depuis plusieurs années. La régulation des populations de gibier reste une mission centrale pour eux mais la diminution de leur nombre peut poser des problèmes pour contrôler les populations de certaines espèces, notamment le sanglier.

Pour mieux comprendre les enjeux cynégétiques impactant l’agriculture, nous illustrerons ces propos par un cas concret : la forêt de Loches, située en Indre-et-Loire (37). Ce massif forestier, d’une superficie de 3 600 ha, est principalement domanial avec environ 90 % gérés par l’Office National des Forêts. On y retrouve environ 10% de propriétés privées, gérées par des particuliers ou des collectivités locales à des fins sylvicoles ou de chasse. Nous avons recueilli le témoignage de trois acteurs vivants et travaillant à proximité de cette forêt.

Témoignage de Christophe Gourdain

Agriculteur en ACS depuis huit ans et chasseur, Christophe cultive un peu plus de 600 ha. Il a allongé ses rotations au fil des années. À ce jour, il cultive plus de 12 cultures.







« Avec mes terres, je suis en première ligne face aux dégâts des sangliers. Je leur offre le gîte avec mes couverts végétaux et le couvert. En arrêtant le travail du sol, j’ai favorisé la vie biologique. Le retour en nombre des vers de terre est un premier constat. Mais les sangliers cherchent à se complémenter en protéines et déterrent ainsi de nombreux vers de terre pour se nourrir. Parfois, ils creusent superficiellement sur des hectares entiers, d'autres fois ils creusent des trous pouvant atteindre 60 à 80 cm de profondeur. Autant vous dire que la roue du tracteur ne reste pas indifférente à ces dégâts. J’ai une parcelle de 50 ha attaquée chaque année, où nous avons rebouché 360 trous, et une autre où nous en avons rebouché 278. Pourtant, nous n’avons reçu que 18 € d’indemnité pour cette dernière. Ces dégâts représentent beaucoup de temps, d’inconfort et un risque perpétuel de casser du matériel. Les casses sont rares, mais lorsqu’elles surviennent, elles peuvent coûter très cher, comme la casse d’un arbre de roue de tracteur, par exemple. Je suis entouré de massifs forestiers. Les chasseurs des environs ont tué 156 sangliers en 2022-2023.Nous avons également comptabilisé 120 sangliers un soir sur une parcelle. Ce sont des conditions extrêmes que nous ne pouvons plus gérer et compenser en tant qu’agriculteurs. Outre le coût financier, ces dégâts ont des impacts agronomiques non négligeables : nécessité de retravailler certaines parcelles, passage du broyeur, casse de nombreux carreaux de tracteurs, levée de mauvaises herbes et inefficacité des herbicides sur les zones retournées par les sangliers, etc

Face à ces constats, nous devons faire évoluer notre modèle commun. Autrefois, le loup était un prédateur du sanglier. Aujourd’hui, seul l’Homme peut le réguler. Je pense que les chasseurs sont la clé d’une bonne gestion. Dans notre cas, le préfet a autorisé un abattage des sangliers par le lieutenant de louveterie, ce qui a permis de relâcher la pression et de recultiver certaines parcelles. Mais tous les lieutenants de louveterie ne veulent pas passer leurs soirées à l'affût, et les battues administratives organisées sont beaucoup moins efficaces. Je constate une incohérence dans nos plans de gestion : les sangliers se nourrissent dans nos parcelles toute l’année, mais les chasseurs ne pratiquent leurs battues que du 10 octobre à fin février. Le reste de l’année, aucune régulation n’a lieu. Les chasseurs négligent parfois les massifs abritant de nombreux sangliers au profit de bosquets moins prolifiques. La distribution des bracelets est sous-évaluée et mal répartie. Dans notre chasse, nous n’avons que des bracelets de biches, alors que nous voyons surtout des cerfs, alors que chez la famille Flaman de l’autre côté de la forêt, c’est l’inverse. Aujourd’hui, je n’ai pas beaucoup de solutions… Tous mes blés sont barbus pour réduire la pression. Je me dis aussi parfois que si nous étions plus d’agriculteurs à régénérer les sols et à faire des couverts, les populations et les dégâts seraient plus dilués entre les fermes, donc moins problématiques pour nous. ».

Témoignage de Pierre et Olivier Flaman

​​​​​​​Pierre et Olivier sont agriculteurs en ACS. Ils possèdent également une activité d’exploitation forestière. Ils se situent sur la commune de Genillé, au nord de la forêt de Loches. Pour eux, les dégâts sont colossaux, avec une forte présence de cervidés et de sangliers. La gestion cynégétique est un triptyque entre chasseurs, agriculteurs et sylviculteurs. Olivier Flaman nous parle de la gestion sylvicole :




« Les plans de chasse des années 1970 avaient pour but de protéger et de développer durablement les populations de gibier tout en préservant l’agriculture et la forêt. Cependant, la surpopulation actuelle dans certains secteurs du département met en danger les habitats, les forêts, et engendre des dégâts agricoles, forestiers et sanitaires, ainsi que des accidents routiers. En tant que forestiers, nous sommes pénalisés par les investissements lourds pour protéger les forêts, et les dommages sur les cultures et les plantations s’accroissent. Les surpopulations d’animaux nuisent à la régénération naturelle des forêts en s’attaquant aux jeunes arbres par l’abroutissement (manger les jeunes pousses) et l’écorçage des troncs. Les sangliers, en retournant les sols et en consommant des glands et des faines, affectent la biodiversité et la capacité des forêts à se régénérer. Ainsi, les forestiers sont accusés “d’héberger les animaux”. Pourtant, nous finançons en grande partie la contribution territoriale via la “contribution bois”, utilisée pour dédommager les acteurs impactés par les dégâts de gibier, principalement les agriculteurs. Les forestiers, quant à eux, ne touchent aucune indemnité et n’ont pas d’aides pour installer des clôtures de protection. Leur constat rejoint celui des agriculteurs : il faut repenser le schéma et faire évoluer le plan de chasse vers un plan de régulation. Par exemple, dans les Vosges, un nouveau SDGC a été proposé et mis en place sur la période 2021-2027. Ce nouveau Schéma vise à régénérer les forêts de manière durable malgré la pression des grands gibiers, partant du constat que la biodiversité et le renouvellement des forêts n’a plus un bon équilibre. Ce schéma vient cadrer plus fermement l’agrainage en le restreignant aux zones Natura 2000 et zones à enjeux forts. Il a été jugé que l’agrainage favorise la surpopulation. Il est donc recommandé de limiter cette pratique aux périodes sensibles pour les cultures et d'interdire l’agrainage à poste fixe. Ce nouveau schéma vise également à renforcer la sécurité des chasseurs, des usagers de la forêt et la sécurité sanitaire s’intéressant aux zoonose (maladies de Lyme) et aux pollutions liées au plomb/cuivre. D’autres mesures sont proposées comme la capitalisation de données et l’analyse de l’efficacité des mesures instaurées. Tout cela dans le but d’instaurer une meilleure coordination entre les acteurs du territoire et atteindre le bon état agro-sylvo-cynégétique.

Ainsi, le Syndicat des Forestiers Privés de Touraine, s’appuie sur les travaux réalisés dans les Vosges pour proposer 3 grandes actions en Indre et Loire :
1. Reconnaître la place réelle de la forêt dans le cadre du Schéma Départemental de Gestion Cynégétique (SDGC) en prenant en compte les impacts économiques et écologiques du grand gibier.
2. Améliorer les connaissances sur les populations animales et leurs habitats grâce à des indicateurs fiables (comptages précis, évaluation indépendante des dégâts).
3. Renforcer la régulation des populations de gibier en simplifiant les plans de chasse, en équilibrant les quotas mâle/femelle, en facilitant la coopération entre territoires et en réduisant les pratiques comme l’agrainage à des cas exceptionnels. »
​​​​

Témoignage de Christophe Denonnain

Christophe est polyculteur-éleveur, situé à mi-chemin entre Pierre et Christophe (les deux témoignages précédents). Il exploite 330 ha en ACS, dont 20 % sont en prairies pour les vaches.







« Ce qu’on observe, ce sont des comportements différents entre les cervidés et les sangliers. Les cervidés, plus territoriaux, s’accommodent d’une zone. Malgré leurs déplacements, ils restent proches des bordures. Les dégâts à la parcelle sont donc restreints sur un périmètre allant de 100 à 400 mètres par rapport à la lisière du bois. En revanche, la pression de broutage et de tassement est telle qu’il est impossible de cultiver sur ce périmètre. Pour les sangliers, c’est différent. Ils se déplacent partout et attaquent toute la parcelle. Ils sont très actifs au printemps, capables de sentir un grain de maïs sous terre. Ils n’ont alors qu’à suivre le rang pour trouver les grains. En une nuit, votre semis de la veille peut disparaître sur plusieurs hectares. Nous installons des clôtures, mais leur effet est limité. Elles ralentissent les déplacements mais n’empêchent pas les animaux de pénétrer dans la parcelle. Ce sont les chasseurs qui nous aident à les installer. Cependant, certains chasseurs ne veulent pas installer de clôtures sur certaines parcelles pour ne pas gêner la chasse. Nous ne maîtrisons donc pas entièrement leur installation. Les chasses aux alentours sont très différentes : certaines zones subissent une très forte pression de chasse, quand d’autres ne sont que peu, voire pas du tout chassées durant la saison. Le déplacement des populations s’adapte à ces pressions, créant des concentrations de gibier par endroits. Nous chassons également sur notre petit territoire. La présence de gibier est considérable, mais nous ne pouvons pas assumer une régulation suffisante du sanglier par nos propres moyens. Le bracelet de sanglier coûte cher (40 €). Nous avons peu de solutions agronomiques. Sans notre effort de chasse, nous serions envahis, et le métier d’agriculteur ne serait même plus envisageable. Nous faisons des comptages avec des drones pour localiser et quantifier, mais malheureusement, l’administration ne prend pas en compte ce type d’outil pour estimer les dégâts. C’est dommage, car faire expertiser ses parcelles demande du temps... L’expert vient une première fois pour constater la présence de l’animal, revient ensuite pour certifier que l’animal est toujours présent et cause des dégâts, puis revient une dernière fois pour le comptage. Il distingue les dégâts “semis” et les dégâts “végétation”. Dans le premier cas, c’est le coût du resemis qui est indemnisé, dans le second, c’est une estimation de la perte en rendement. Mais cette dernière est difficile à estimer. Par exemple, une estimation trois semaines avant moisson peut être biaisée. Une année, les sangliers avaient détruit 20 à 25 % de la parcelle quelques jours avant la moisson, mais l’expert était déjà passé deux semaines plus tôt. Nous devons entrer dans une phase de régulation. Il y a 30 ans, on voyait un sanglier par saison de chasse, aujourd’hui, on en voit des centaines. Il faut accélérer leur destruction. La baisse de la pression de chasse causée par la crise sanitaire du COVID-19 a provoqué une explosion des populations. »

​​​​

Témoignage de François Omnes, chef du service usage et gestion de la biodiversité à l'Office français de la biodiversité

Au niveau de l'OFB, notre rôle dans le domaine de la gestion du gros gibier se limite à siéger dans les commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage et à assurer le secrétariat de la commission nationale d’indemnisation de dégâts de gibier. C'est un peu comme une cour d'appel donc nous retrouvons les cas les plus problématiques d'indemnisation.
Au niveau des indemnisations, l'agriculture de conservation des sols n'est pas considérée différemment des autres systèmes agricoles : c'est la culture qui compte.
Pour la gestion du gibier, le plus important est de se parler entre agriculteurs, chasseurs et voisins. La majorité du temps les problématiques sont dues à des difficultés de communication entre les personnes ayant des intérêts différents. Il faut arriver à ce que chacun se mette autour de la table et essaie de résoudre les problématiques rencontrées.



La gestion du gibier


Il existe principalement trois moyens réglementaires pour agir sur les populations de gros gibier et leurs dégâts :

  • La chasse proprement dite, en battue, à l'affût ou à l'approche, dans les conditions fixées par le schéma départemental de gestion cynégétique et l'arrêté annuel du préfet. A part pour les battues, il s’agit essentiellement de tirs individuels pour lesquels le chasseur doit avoir une autorisation ou un arrêté de plan de chasse en sa possession pour le territoire concerné. Les dates varient suivant les espèces. Certains territoires ont des autorisations plus larges.
  • Les pratiques de destruction par les lieutenants de louveterie qui sont nommés par les préfets durant 5 ans : ils concourent à la régulation des animaux susceptibles de causer des dégâts et des dommages ainsi qu'à l'atteinte de la sécurité publique ; ils peuvent organiser des chasses et des battues administratives.
  • Enfin la prévention par l'installation de clôtures qui peuvent être gérées, installées et financées avec l’aide de la fédération des chasseurs et de la société de chasse locale.


L’agrainage


Dans la gestion du sanglier, l'agrainage est aussi une solution à condition de respecter des règles essentielles, à savoir :

  • À distance importante des cultures potentiellement attaquées ;
  • En très faible quantité ;
  • Uniquement à des périodes bien choisies : avec du maïs par exemple quand c'est la période du semis ou de la récolte de cette culture.

Dès qu'on est sur une pratique déviante, la pratique peut devenir négative. Par exemple, mettre trop de grains peut inciter à plus de reproduction ou mettre du maïs dans un secteur herbager : on déséquilibre alors l'alimentation des sangliers qui feront encore plus de dégâts dans les prairies pour « équilibrer leur ration ».
Les bonnes pratiques de l'agrainage sont décrites de façon très précise dans de nombreuses publications et bénéficient d’un cadre réglementaire départemental.


Les pratiques agricoles


Quant aux pratiques agricoles, il y a quelques précautions à prendre pour limiter le risque :

  • Bien éparpiller les résidus de culture sur le terrain pour éviter les buttes de paille sous lesquelles de nombreux vers de terre seront présents.
  • Évitez au maximum les épis non récoltés, en particulier en maïs, ou alors attendre que les sangliers soient passés pour nettoyer les restes avant de semer toute autre culture.
  • Semer des blés barbus pour limiter la prédation par les cerfs et biches C'est une solution relativement efficace même si elle ne garantit pas zéro dégât.
  • Aménager le secteur : par exemple implanter une jachère faune sauvage dans un endroit bien identifié pour que le gibier s'y nourrisse et installer ensuite une clôture efficace sur les parcelles cultivées voisines. Ce type de gestion doit être fait en collaboration avec les chasseurs pour que chacun s'y retrouve et éventuellement que les chasseurs prennent en charge une partie des frais occasionnés par cette organisation.

Il y a aussi la gestion à réaliser en forêt en créant des clairières pour que l'herbe s'implante ce qui permettra au cerf de s'alimenter car ce sont des herbivores stricts ; ils iront moins dans les champs s’ils trouvent ce qui leur faut directement en forêt.

S’il n’y a pas d’échanges possibles entre les différentes parties, la solution de simplicité est de clôturer les parcelles avec du grillage fixe sur 2 m de haut mais c'est un constat d'échec et ce n'est pas une solution en soi.
On voit bien par ces différents exemples qu’il n'y a pas une solution simple et unique dans la gestion du gros gibier dans les parcelles agricoles : c'est une conjonction de multiples éléments à mobiliser. Si chacun travaille en bonne intelligence, il est tout à fait possible de rester dans des limites raisonnables de nombre de d'individus présents dans un territoire donné et de dégâts subis par les agriculteurs.


Article écrit par le comité technique de l’APAD.
Si vous souhaitez réagir ou poser des questions sur cet article, envoyer un mail à :
comite.technique.apad@gmail.com









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