Publié le 25/07/2025Télécharger la version pdf





Concilier innovation, autonomie et Agriculture de conservation des sols






Comme tous les mois de juillet, le comité technique de l’APAD réalise le portait d’une ferme en ACS. Ces portraits servent à montrer des spécificités de nos adhérents.  Ce mois-ci, nous retrouvons le GAEC Nord Vendéen qui, comme son nom l’indique, est situé dans le nord Vendée à la limite de la Loire Atlantique.  En ACS depuis 5 ans, les ateliers bovins lait, porcs naisseur engraisseur et production d’énergie sont très imbriqués pour que l’ensemble soit cohérent.  Aymeric Delahaye, l’un des associés du GAEC, nous présente ici cette articulation qui donne tout son sens aux innovations récentes.




Aymeric Delahaye









Le GAEC a commencé avec André et Yves Bretaudeau qui sont maintenant en retraite. Ce sont leurs enfants qui sont associés avec une installation d'un tiers, moi-même Aymeric. 


J’avais fait mon apprentissage sur la ferme et j’ai eu l’opportunité de m’installer en 2020. Nous sommes donc aujourd'hui 5 associés plus 4 salariés et un apprenti pour la ferme et la méthanisation.

Nous avons aussi un atelier de transformation de nos produits avec vente directe en magasin composé de 2 associés et 8 salariés supplémentaires.



1)    Les moyens de production

Dans notre organisation, chaque associé a la responsabilité principale d'un atelier que ce soit les cultures, les porcs, les vaches, la fabrique d'aliments, la méthanisation mais chacun est aussi polyvalent pour aider un associé qui a besoin d’aide.
La SAU de l'exploitation est de 350 hectares avec des parcelles de 10 à 12 hectares. 
Les sols sont de nature limoneuse à limono sableuse avec moins de 10 % d'argile. L'avantage de ces sols est que nous pouvons y entrer rapidement au printemps car ils ressuient vite ; par contre ils ont un faible réservoir utilisable en eau avec souvent des problèmes d’échaudage en fin de cycle sur céréales et des cultures de printemps impossibles sans irrigation. 

L’assolement et les rendements moyens sont les suivants


Culture

Surface

Rendement moyen

Maïs grain

90 hectares

140 quintaux humide (récolte en grain humide)

Maïs ensilage

50 hectares

20 tonnes de matière sèche

Blé tendre d'hiver

90 hectares

60 quintaux

Orge d'hiver

50 hectares

60 quintaux

Féverolles

6 hectares

30 quintaux (servent surtout à gérer les RG sauvages et résistants)

Raygrass italien

50 hectares

3 coupes (restent en place 2 ans avec resemis naturel)

Prairie naturelle

20 hectares



Il y a 280 hectares irrigables grâce à 4 étangs soit une réserve de 265 000 m3. Tout le réseau d'irrigation est enterré ce qui facilite sa mise en œuvre. 


Nous avons trois sites avec les terres bien regroupées autour.

Lieu

Surface

Cultures

Animaux

Cugand

150 Ha

Toute culture car irrigation

Vaches laitières

Génisses

Porcs naissance

St Hilaire de Clisson à 8 km de Cugand

150 Ha

Toute culture car irrigation

Porcs engraissement

L’Emerrière

40 Ha

Céréales, RGI et prairie



Deux tracteurs principaux sont utilisés pour la traction : ils font 210 chevaux ce qui est nécessaire pour utiliser le Duaferti : rampe d'épandage sans tonne pour le digestat grâce au système enterré des tuyaux d'irrigation. Il nous permet d’épandre le digestat sur 30 m ce qui correspond au passage de pulvérisation (15 mètres en marche avant et 15 m en marche arrière pour réenrouler le tuyau). Ça nous permet d'utiliser le digestat pour fertiliser les céréales et maïs. 


2) Les itinéraires techniques


Pour le semis, nous avons un semoir Amazone Primera pour les semis des couverts d'été, des céréales d'hiver et la féverole. Pour le maïs nous utilisons un strip-till Duro et un semoir Khun de 6 rangs. 



Nous sommes également équipés d’une trémie frontale pour mettre l’urée derrière la dent du strip-till ou pour semer les petites graines voire les céréales quand le sol est trop humide pour semer, ce qui est arrivé en 2024. 
Pour les couverts, nous semons 40 hectares de CIVE (Culture Intermédiaire à Vocation Energétique) composés de seigle et vesce récoltés au printemps avant maïs, pour les 100 autres hectares, un couvert d’hiver à base de féverole et de phacélie y est implanté et restitué au sol. Derrière l'orge d'hiver nous semons des couverts à base de sorgho et de tournesol récoltés pour la méthanisation et derrière le blé nous laissons le couvert au sol et y intégrons des légumineuses et crucifères. 
Pour une bonne gestion des résidus laissés au sol afin de le nourrir, nous sommes vigilants à ne jamais tout exporter de la même parcelle en laissant au minimum un couvert tous les 2 ans.
Quant aux effluents d'élevage tout va à la méthanisation sauf la litière des vaches laitières qui est composée de broyat de déchets verts trop grossiers donc non méthanisables. Pour les porcs à l'engraissement qui sont à 8 km de la méthanisation, nous utilisons un séparateur de phase où le solide part en méthanisation et le liquide sera mis directement dans les champs sur place. 
Le digestat est utilisé pour fertiliser complètement les céréales à raison de 20 m3 début février et 20 m3 début mars. Ceci nous a permis de diviser par deux la quantité d'azote minéral acheté par rapport à avant la méthanisation qui date de décembre 2020.
Pour le maïs, après avoir épandu 20 m3 de digestat sur le couvert, nous mettons entre 100 et 180 kg d’urée derrière la dent du strip-till. La quantité variant en fonction de la possibilité de mettre du digestat à 5 - 6 feuilles du maïs.
Une autre caractéristique de l'exploitation et l'utilisation du traitement de l'eau Aquaphyto depuis une quinzaine d'années. Ceci nous permet de passer au tiers de dose homologuée tout en gardant la même efficacité qu’à pleine dose grâce à une meilleure qualité de l'eau et surtout un pH adapté au produit utilisé. Nous traitons à 60 litres d'eau. Pour que tout fonctionne il faut vraiment traiter à l'optimum de la météo, en particulier sur l'absence de vent et une bonne l'hygrométrie. 


Nous diminuons aussi les doses pour les produits racinaires en les divisant par deux.
Toute la production végétale est stockée sur la ferme soit pour les cochons soit, pour les vaches, soit pour la méthanisation. Les céréales sont transformées sur place pour faire de la farine. Le gaz qui est produit par la méthanisation part directement dans le réseau de distribution pour une production de 65m3/heure.


3) Les animaux



Nous avons un nouveau bâtiment pour les vaches laitières de type israélien c'est-à-dire fermé sur un seul côté, à l'ouest en direction des vents dominants potentiellement tempétueux. Il fait 4000 m² avec un objectif de monter à 150 vaches laitières avec 3 robots (130 aujourd’hui). L’ancien bâtiment sert toujours pour les génisses qui étaient auparavant sur le site de St Hilaire.
Les vaches laitières sont sur une litière composée de broyats de déchets verts. C'est une litière assez grossière qui permet de bien l’assécher (si c’est trop fin, la litière a tendance à se prendre en masse et à ne pas absorber les effluents) et nous passons chaque jour un cultivateur pour mélanger la litière et les bouses. Ce système nous permet de laisser davantage de paille dans les champs tout en gardant une atmosphère saine dans le bâtiment. La production est de 37kg de lait/vl. 



Nous avons également un atelier porcs naisseur engraisseur avec 310 truies.


4) La production d’énergie


Une ferme comme la nôtre consomme beaucoup d’énergie et le soleil en produit également beaucoup que nous pouvons valoriser par la biomasse ou les panneaux solaires.  Il nous a paru tout à fait cohérent de devenir producteur d’énergie !
En plus de la méthanisation, nous avons des panneaux solaires avec 100 kWh en autoconsommation pour la ferme, 100 kWh en autoconsommation pour la méthanisation et 500 kWh pour la revente. Enfin nous avons une chaudière à bois alimentée par des plaquettes issues des haies de l'exploitation. Cette chaudière nous permet de chauffer la porcherie.
À terme nous souhaiterions pouvoir récupérer le CO2 produit par le méthaniseur afin de le valoriser auprès des maraîchers nantais ce qui permet d’augmenter la production légumière sous serre. Aujourd'hui l'investissement est trop conséquent à un million d'euros et ce n'est pas rentable. Nous verrons si le prix baisse d'ici quelques années.


5)    La mise en place du système ACS


L'arrêt du labour date de 2011 avec un travail très superficiel pour les cultures dans les années qui ont suivies. La motivation principale d’André et Yves étaient la lutte contre l’érosion avec des sols qui ne se tiennent pas.
C'est à partir de 2020 que nous commençons le semis direct pour les céréales et en 2021 le strip-till pour le maïs. C'est une vraie motivation des associés du GAEC qui se poursuit aujourd’hui : cela permet un gain de temps, de visualiser les améliorations de nos sols en particulier sur la vitesse d'infiltration et du stockage de l'eau, et c'est aussi pour nous une source d'originalité par rapport à ce qui se fait dans le secteur. 
Quand nous avons décidé de passer en ACS, nous avons voulu absolument maintenir les mêmes rendements qu'avant pour rester au maximum autonome sur la ferme. Nous y arrivons aujourd'hui mais nous voyons bien que nous avons encore des progrès à faire en particulier sur la fertilisation à base du digestat. Nous devons être vigilants sur la quantité apportée pour combler les besoins des cultures tout en prenant soin de la vie du sol : la biodiversité du sol est impactée par les gros apports de digestat. 
Nous travaillons également sur la recherche de l'optimum en qualité puisque tout est valorisé auprès des animaux sur la ferme : il ne faut pas qu'il y ait de mycotoxine en particulier sur le maïs ou les céréales car ça peut très vite impacter la production porcine. 
Pour obtenir des plantes saines, en plus de sols en bon état biologique, nous essayons d'optimiser la fertilisation ; pour cela, nous réalisons des analyses de sève afin d'apporter les oligo-éléments nécessaires. Nous allons aussi sûrement mettre en place une production de microorganismes efficaces (EM) que nous mettrons dans la fosse de digestat liquide afin de le valoriser au mieux. 
L’ACS est vraiment un système qui nous plaît et tout se passe bien depuis 5 ans. Il est vrai que nous nous formons tous les ans via l’APAD par exemple et que nous passons aussi du temps sur les réseaux sociaux pour échanger et bénéficier d’autres expériences. 
Aujourd'hui, nos taux de matière organique sont à 3,8 pour les meilleures parcelles et 1,8 pour les pires. On sait que dans notre type de sol la remontée des taux de matière organique est lente donc nous essayons de toujours gérer pour qu'il y ait le maximum de résidus qui reviennent au sol. 


6)     La communication auprès des citoyens


Une autre caractéristique de la ferme est la communication vis-à-vis de l'extérieur. Nous accueillons beaucoup d'écoles et de sociétés pour expliquer le fonctionnement de nos différents ateliers. 
A sa création, le magasin de vente directe était sur la ferme ; il est maintenant implanté dans le centre-ville de la commune de Cugand. Il nous permet d'être en contact direct avec les consommateurs et les citoyens. Nous les invitons régulièrement à venir visiter la ferme ce qui nous oblige à être vigilants sur leurs attentes. Dans le magasin, nous avons également mis en place des panneaux qui expliquent ce qu'est l’ACS et notre façon de produire.  La BD « Mystère au cœur des sols » est d’ailleurs en vente depuis sa parution !


Nous essayons également d'organiser tous les ans une grande porte ouverte avec marché à la ferme, concert, barbecue. Ça nous semble vraiment important d'ouvrir et d'expliquer la réalité de ce que l'on fait et ça évite les « on-dit ». Les gens ont vite fait de cataloguer notre ferme de « ferme usine » avec tous les préjugés négatifs que ce terme comporte. En ouvrant la ferme aux visites, en mettant du lien entre nous et les citoyens, nous permettons de lever tous les préjugés et de bien nous intégrer à la vie communale.


7)    L’avenir


Depuis 5 ans le GAEC a énormément évolué avec le nouveau bâtiment vache laitière, la méthanisation, l’ACS, l'arrivée d'un nouvel associé. Nous allons maintenant continuer à bien faire fonctionner tout cela afin que les ateliers soient complémentaires les uns des autres. Nous n'avons pas de nouveaux gros projets à venir si ce n'est éventuellement la création d'un nouvel étang voire d'une station-service pour le gaz. 
C’est dans notre nature d’être toujours dans la recherche d’innovation, de tester de nouvelles façons de produire. C’est ce qui rend notre métier passionnant et très motivant.   









Article écrit par le comité technique de l’APAD.
Si vous souhaitez réagir ou poser des questions sur cet article, envoyer un mail à :
comite.technique.apad@gmail.com






















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